Destins Croisés : Les Générations en Évolution
Ensemble, ils avaient eu quatre enfants : Kilian, Romain, Isabelle et CyCy. Chacun d’eux avait eu son lot de révoltes et de questionnements, cherchant à s’émanciper d’une éducation où la rigueur de Louise pouvait parfois sembler pesante. Adolescents, ils avaient tous connu des périodes de conflits, des moments où les échanges tournaient plus souvent à la confrontation qu’à la complicité.
Romain, pourtant le plus calme, avait été le premier à partir. Fatigué des disputes et en quête d’indépendance, il avait pris ses distances dès qu’il en avait eu l’occasion, laissant derrière lui un Kilian profondément marqué par cette séparation. Ce départ avait été un choc pour Louise, qui ne s’attendait pas à voir son fils s’éloigner aussi brutalement. Pourtant, avec le recul, elle savait que ce besoin d’espace était une réaction naturelle, une crise passagère qui avait fini par s’apaiser.
Kilian, lui, avait pris un autre chemin. D’abord très attaché à la famille, il s’en était détaché progressivement, et ce fut son mariage avec Rosine qui scella la fracture avec sa mère. Louise ne pouvait accepter cette union, jugeant le milieu de Rosine et de sa mère, Rose, indigne d’intérêt. Persuadée que son fils commettait une erreur, elle s’était enfermée dans ses jugements, au point de voir Kilian s’éloigner à son tour. Avec les années, elle avait fini par comprendre que son rejet l’avait privée de précieuses années avec son fils et ses petits-enfants. Mais pouvait-elle encore rattraper le temps perdu ?
Isabelle, de son côté, avait adopté une approche bien différente. Pas de disputes éclatantes ni de rupture franche, juste une distance polie, une froideur maîtrisée qui lui permettait de garder le contrôle sur leur relation. Elle voyait Louise par obligation, principalement pour ses enfants, mais ne cherchait ni rapprochement ni conflit. Contrairement à Kilian, elle n’éprouvait pas le besoin de couper les ponts, mais elle n’ouvrait aucune porte non plus.
Enfin, il y avait CyCy, la plus fougueuse, celle qui s’était toujours opposée à sa mère. Leur relation avait longtemps été marquée par des désaccords incessants, une lutte d’opinions qui semblait sans fin. Mais avec le temps, même cette opposition s’était transformée en une simple indifférence. Elles se voyaient aux réunions de famille, échangeaient des mots polis, sans plus. Aucune hostilité, mais aucun vrai lien non plus.
Aujourd’hui, Louise et Jonathan étaient devenus grands-parents. Avec leurs douze petits-enfants, ils profitaient d’une retraite bien méritée, savourant les moments passés avec leurs proches. Jonathan, toujours aussi bienveillant, servait souvent de pont entre Louise et leurs enfants, apaisant les tensions quand il le pouvait.
Louise, quant à elle, oscillait entre regrets et résignation. Elle savait que ses enfants avaient trouvé leur propre voie, qu’ils avaient bâti leur vie en fonction de leurs choix et non des siens. Elle n’était pas toujours d’accord avec eux, mais elle n’éprouvait plus la même volonté de contrôler. Peut-être était ce ça, finalement, la leçon qu’elle devait apprendre : accepter que l’amour parental ne suffît pas toujours à éviter les fractures, et que parfois, il faut savoir laisser ses enfants s’éloigner pour mieux les retrouver un jour.
Semaine 1
CyCym ajusta ses lunettes de soleil et jeta un coup d'œil à ses enfants qui couraient autour du salon. Etàn, devenu enfant, faisait des bêtises avec Maé, qui n’était qu’à quelques jours de l'enfance, tandis qu'Anton, fraîchement devenu bambin, babillait joyeusement. La maison bourdonnait de vie et de bruits, un tourbillon habituel qui, malgré l'amour qu’elle portait à ses enfants, commençait à peser sur CyCym.
Elle soupira en s’accordant une gorgée de café. Son quotidien était bien rempli, et elle avait peu de temps pour s’attarder sur des choses qu’elle ne pouvait pas changer. Sa relation avec Louise en faisait partie. Il n’y avait pas de guerre ouverte entre elles, mais pas de réel lien non plus. Elles se voyaient parfois lors d’événements familiaux, échangeaient quelques mots polis, et repartaient chacune de leur côté, comme des connaissances que la vie avait placées sur le même chemin sans vraiment les rapprocher.
Ce jour-là, CyCym avait proposé à sa mère de se retrouver à la brocante de San Myshuno. Pas dans l’espoir d’une grande conversation ou d’une réconciliation, simplement pour maintenir ce fil ténu qui les reliait encore.
Quand elle arriva sur les lieux, elle chercha Louise parmi la foule et la repéra rapidement, debout près d’un stand, le regard absent. CyCym s’approcha sans empressement.
"Salut, merci d’être venue."
Louise hocha la tête sans répondre immédiatement, observant un vieux bibelot sur la table devant elle. "Je passais dans le coin, alors autant en profiter."
Le silence s’installa un instant, sans malaise, mais sans chaleur non plus. CyCym n’essaya pas de combler ce vide. Elle savait que leur relation ne changerait pas, et ça lui convenait ainsi.
Elles flânèrent un moment entre les étals, échangeant quelques remarques sur les objets exposés, avant que Louise ne décide de partir.
"Je vais y aller," annonce-t-elle simplement.
"Ça marche. À une prochaine fois."
Louise hocha la tête et s’éloigna, sans effusion, sans promesse de se revoir bientôt. CyCym la regarda partir, puis reprit tranquillement sa balade parmi les stands. Ce n’était ni un moment fort ni un échec. Juste une interaction de plus, fidèle à ce qu’avait toujours été leur relation.
Mais la vie de CyCym ne tournait pas autour de sa mère. Ses priorités étaient ailleurs, auprès de ses enfants, de LagriFred, et même de Sören, qui avait fini par rejoindre leur foyer contre toute attente. Élever trois enfants, bientôt quatre, n’était pas une mince affaire, et elle devait constamment jongler entre les responsabilités et son besoin de souffler un peu.
Chaque jour apportait son lot de défis, de fatigue et de moments fugaces de bonheur. Peut-être que tout ne serait jamais parfait, mais au fond, ce n’était pas ce qu’elle cherchait. Elle voulait juste avancer, à son rythme, sans attentes irréalistes, sans drames inutiles. Juste vivre, tout simplement.
Semaine 2
La semaine qui suivit le déménagement fut un tourbillon d’activités et d’émotions pour CyCy. L’installation dans la nouvelle maison, plus spacieuse et adaptée à la vie de famille nombreuse, avait demandé toute son énergie. Mais ce qui l’avait le plus marquée, ce n’était pas tant la logistique ou les cartons, mais plutôt l’invitation inattendue de Louise. Une invitation qui, à première vue, semblait banale, une simple journée détente. Mais pour CyCy, c’était bien plus que cela.
Elle avait vu dans ce geste un désir de renouer, une tentative timide d’aller au-delà des non-dits et des années de distance. Cela ne signifiait pas forcément qu’elles allaient se rapprocher, mais c’était un signe que, peut-être, les choses pouvaient changer, ne serait-ce qu’un peu. Mais l’émotion l’avait submergée lorsqu’elle avait franchi le seuil de la porte de Louise ce jour-là. L’atmosphère était différente. Pas de tension palpable, pas de regards fuyants. Juste une journée où, pour une fois, elles étaient capables de profiter du moment sans le poids du passé.
CyCy n’avait pas prévu que cette journée se passerait si bien. Elle s’était laissé aller à rire, à discuter de tout et de rien, et même si elles n’étaient pas devenues proches, il y avait eu une sorte de légèreté qui avait effleuré leurs échanges. Elle n’avait pas eu l’impression de devoir tout analyser, de chercher la signification cachée derrière chaque mot ou chaque geste. C’était comme si le temps, d’un coup, s’était arrêté, leur permettant de respirer loin des conflits et des incompréhensions.
En rentrant chez elle ce jour-là, CyCy ne pouvait s’empêcher de repenser à la scène. Elle se sentait partagée entre l’espoir que cela puisse marquer un tournant et la crainte que tout ceci ne soit qu’un simple éclat dans une relation encore fragile. Mais au fond, elle se sentait reconnaissante pour ce moment. Un moment où, pour une fois, elle n’avait pas eu à lutter contre des souvenirs douloureux. Juste l’instant présent, dans toute sa simplicité.
Le reste de la semaine se déroula dans un tourbillon d'événements. Les jumeaux, Anton et Maé, étaient devenus enfants et avaient fait leur rentrée en primaire, une étape marquante pour CyCy qui voyait ses enfants grandir trop vite. Puis, quelques jours plus tard, Sören était devenu bambin. Il était si adorable avec ses yeux écarquillés, ses premiers mots maladroits et ses petits pas hésitants. Chaque moment passé avec lui était un instant précieux, comme un souffle d’air frais dans la frénésie du quotidien.
Et puis, il y avait Etàn. Ce moment où il était devenu adolescent avait été, pour CyCy, un peu plus difficile à accepter. Chaque étape du passage de l’enfance à l’adolescence semblait marquer un éloignement, un pas de plus vers l’indépendance. Etàn était désormais un jeune adulte en devenir, avec ses propres idées, ses propres rêves. Il n’était plus le petit garçon qui courait dans les bras de sa mère à la recherche de protection et de tendresse. Mais CyCy était fière de lui, de sa maturité naissante. Et, dans un élan de tendresse, elle lui avait offert un sourire, une caresse sur la tête, comme pour lui dire qu’elle serait toujours là, même si les choses changeaient.
Cette semaine marqua donc un tournant, non seulement dans la dynamique familiale mais aussi dans la relation de CyCy avec Louise. Peut-être que ce n’était pas la fin des tensions, mais c’était un début. Un petit pas vers quelque chose de plus serein, un espace où elles pourraient enfin respirer, sans le poids du passé.
CyCy prit une grande inspiration en pensant à tout cela. Les choses étaient en mouvement, tout comme ses enfants, tout comme elle. Peut-être que le plus important, au fond, était de continuer à avancer, tout simplement, sans trop chercher à comprendre. La vie suivait son cours, et elle comptait bien l’apprécier à sa manière.
Semaine 3
CyCy avait toujours su que la vie réservait son lot d’épreuves, mais voir son frère traverser une rupture aussi brutale et inexpliquée la laissait avec un goût amer. Romain était dévasté, perdu face à l’abandon de Laure et surtout face à l’indifférence glaçante qu’elle manifestait envers leurs filles. CyCy ne pouvait pas rester les bras croisés. Elle prit les choses en main.
D’abord, elle contacta leurs frères et sœurs. Romain avait besoin d’un soutien solide, et elle savait que la fratrie, malgré les distances et les vies bien remplies, saurait répondre présent. Puis, sans en parler à personne, elle décida d’aller confronter Laure elle-même. Elle devait comprendre. Pas seulement pour Romain, mais aussi pour Alix et Lou, qui se retrouvaient du jour au lendemain sans mère.
Quand elle arriva chez Laure, cette dernière ouvrit la porte avec un regard fatigué, comme si elle s’attendait à cette visite.
— Je savais que tu viendrais, souffla-t-elle en s’écartant pour la laisser entrer.
CyCy ne perdit pas de temps en politesses.
— Pourquoi ? Pourquoi tu es partie comme ça, sans un mot, sans un regard pour tes filles ?
Laure sembla hésiter, se mordant la lèvre comme si elle cherchait les bons mots. Puis, d’une voix presque inaudible, elle lâcha :
— Parce que je n’ai jamais aimé Romain.
CyCy resta figée.
— Quoi ?
— Je n’ai jamais ressenti d’amour pour lui… Je voulais y croire, j’ai essayé, pendant des années. Mais ce n’était pas là.
Le choc fut brutal.
— Et les filles ? demanda CyCy d’une voix tremblante.
Le silence s’étira, lourd, pesant. Laure baissa les yeux.
— Pas plus.
CyCy sentit une vague de colère monter en elle.
— Tu es en train de me dire que tu n’as jamais aimé Alix et Lou ? Que tu les as élevées en faisant semblant ?
— Je ne voulais pas me l’avouer, murmura Laure. J’ai lutté contre ces non-sentiments, j’ai fait de mon mieux pour être la mère qu’elles méritaient. Mais au fond… ce n’était pas naturel. Je ne ressens rien pour elles. Rien.
Un frisson parcourut CyCy. Elle tenta de calmer son souffle, de ne pas exploser.
— Et maintenant ? Tu comptes juste disparaître ?
— Je veux bien parler à Romain… essayer de lui expliquer. Mais les filles… comment leur dire ça ? Comment leur avouer que leur propre mère ne les a jamais aimées ?
Laure semblait sincèrement troublée. Elle détourna le regard, mal à l’aise.
— Parfois, je me demande si quelque chose ne va pas chez moi… si je ne suis pas malade. Quelle mère fait ça ?
CyCy n’avait pas de réponse à lui offrir. Elle était encore trop secouée.
— Tu devrais consulter quelqu’un, dit-elle simplement. Pas pour te trouver des excuses, mais pour comprendre.
Laure hocha la tête, pensive.
CyCy quitta l’appartement avec un poids sur le cœur. Romain devait savoir, mais comment pourrait-il encaisser une vérité aussi cruelle ? Et surtout, que ferait-elle pour protéger ses nièces de cette révélation ?
En rentrant chez elle, elle trouva LagriFred absorbé par la gestion des logements qu’ils avaient acquis. Depuis plusieurs mois, les lieux étaient négligés par l’ancien propriétaire, et il s’occupait exclusivement des locataires pour remettre les choses en ordre. CyCy lui raconta tout.
— C’est une situation de merde, souffla-t-il après un long silence.
— Oui, et je ne sais pas comment on va s’en sortir…
Il lui serra la main, un soutien silencieux mais précieux.
Pendant ce temps, Sören grandissait. L’enfant qu’elle avait accueilli presque par surprise était désormais un bambin plein de vie, s’émerveillant du monde qui l’entourait. En le regardant rire, CyCy se demanda comment on pouvait ne rien ressentir pour son propre enfant. Elle n’avait pas la réponse, mais une chose était sûre : Alix et Lou ne seraient jamais seules. Elle s’en assurerait, coûte que coûte.
Isabelle
Semaine 1
Isabelle, la sœur de CyCym, avait toujours cultivé une certaine distance avec Louise. Contrairement à ses frères et sœurs, elle n’avait jamais cherché l’affrontement. Pas de cris, pas de disputes ouvertes. Juste une froideur polie, une barrière invisible qu’elle entretenait avec soin. Louise était sa mère, certes, mais cela ne voulait pas dire qu’elle devait occuper une place centrale dans sa vie.
Elle acceptait de la voir lors de rares moments familiaux, principalement pour ses enfants. Elle ne se faisait pas d’illusions : les tensions ne disparaîtraient jamais complètement, mais elle n’éprouvait ni le besoin ni l’envie de raviver des conflits inutiles. C’était ainsi qu’Isabelle gérait les choses – avec calme et pragmatisme.
Son quotidien, bien rempli, ne laissait de toute façon pas beaucoup de place aux drames familiaux. Employée dans les pompes funèbres, elle avait appris à côtoyer la mort avec une sérénité qui en perturbait plus d’un. Orion, son mari, évoluait dans un tout autre univers. Espion légendaire, il disparaissait parfois du jour au lendemain, emporté par des missions dont Isabelle ne cherchait pas à connaître les détails. Ils s’étaient habitués à ce mode de vie, trouvant leur équilibre entre secrets et discrétion.
Mais ce soir-là, quelque chose d’inhabituel se produisit.
Orion rentrait chez lui lorsqu’il sentit une présence étrange. En levant la tête, il aperçut des lueurs éthérées au-dessus de lui. Il n’eut pas le temps de réagir. Une force invisible le souleva du sol, son corps se figea, son cri resta coincé dans sa gorge. Puis, le néant.
Lorsqu’il reprit connaissance, il était allongé sur le trottoir, juste devant leur maison. Une sensation étrange parcourait son corps, un trouble qu’il ne parvenait pas à définir. Quelque chose avait changé.
Les jours passèrent, et peu à peu, la réalité s’imposa : Orion était enceint. Une grossesse improbable, inexplicable. Une certitude s’installa en lui – l'œuvre des extraterrestres de Lexam.
Lorsqu’il annonça la nouvelle à Isabelle, elle resta silencieuse. Son regard s’attarda sur lui, cherchant à mesurer l’ampleur de ce qu’il lui disait. Pas de panique, pas d’explosion d’émotions. Juste une analyse froide des faits.
« D’accord », finit-elle par dire.
Elle ne doutait pas de son mari, ni de la véracité de son récit. À quoi bon remettre en question l’évidence ? Orion était enceint, c’était un fait. Ce qu’ils allaient en faire, c’était une autre histoire.
Avec le temps, Isabelle se fit à l’idée. Ni enthousiasme débordant ni rejet catégorique. Ce bébé allait arriver, et elle l’accueillerait comme il se devait. Pas besoin de chercher une logique là où il n’y en avait pas. Elle ne croyait pas aux miracles, mais elle croyait en son mari, et cela suffisait.
Lorsque CyCym apprit la nouvelle, elle eut du mal à cacher sa surprise. Son expression trahissait ce qu’Isabelle ne disait pas tout haut : c’était étrange, c’était perturbant, mais après tout, qu’y pouvaient-ils ?
La vie leur avait imposé un mystère. Il ne leur restait plus qu’à l’accepter.
Semaine 3
La vie d’Isabelle suivait son cours, méthodique et ordonnée, comme elle l’avait toujours voulu. Pourtant, cette semaine fut marquée par plusieurs événements qui vinrent bousculer son quotidien bien réglé.
Tout d’abord, il y avait Sohane, dont la passion pour la confection de jus de fruits maison était devenue une véritable obsession. Chaque jour, elle expérimentait de nouvelles recettes, mélangeant fruits et épices avec un enthousiasme débordant. Isabelle, d’ordinaire peu encline à encourager des excentricités, avait fini par admettre que cette activité rendait sa fille heureuse. Alors, elle la laissait faire, non sans garder un œil attentif sur l’état du plan de travail, qui se transformait régulièrement en champ de bataille collant et sucré.
Mais au-delà de la douceur des jus de fruits, un sujet plus sérieux s’imposa à Isabelle. Malgré ses principes et sa tendance à éviter les conflits inutiles, elle ne pouvait rester indifférente à ce qui était arrivé à Romain. La disparition soudaine de Laure et son abandon des enfants l’avaient profondément troublée. Elle avait donc pris sur elle d’aller mettre les choses au clair.
Leur confrontation fut brève, mais lourde de sens. Laure, visiblement épuisée, n’opposa pas de résistance. Elle confessa qu’elle n’avait jamais aimé Romain et que ses sentiments absents s’étaient également étendus à leurs filles. Une révélation qui, loin de susciter de la colère chez Isabelle, lui inspira un profond mépris mêlé de lassitude. Comment pouvait-on renier ainsi sa propre famille ?
"Peu importe ce que tu ressens ou non," avait-elle déclaré froidement. "Le mal est fait. Et un jour, tu devras vivre avec les conséquences."
Elle ne chercha pas à obtenir d’excuses ni même à prolonger l’échange. Laure ne méritait pas plus de son temps.
De retour chez elle, Isabelle retrouva Orion plongé dans sa quête personnelle. Son mari, toujours enclin à suivre les méandres de sa propre réflexion, passait de longues heures à visiter des musées, absorbant chaque détail des œuvres exposées, cherchant à nourrir son esprit et son âme. Quand il n’était pas dans une galerie, il s’élançait dans de longs joggings à travers la ville, poursuivant un objectif qu’il était le seul à comprendre.
Isabelle observait cela avec un mélange d’amusement et d’indifférence. Orion avait toujours été ainsi, un homme de l’ombre guidé par des aspirations profondes et silencieuses. Elle ne cherchait pas à l’arrêter ni à comprendre sa démarche. Elle se contentait de le laisser suivre son chemin, comme elle suivait le sien.
Ainsi, cette semaine, entre les jus de Sohane, la confrontation avec Laure et les errances philosophiques d’Orion, Isabelle prit conscience d’une chose : elle appréciait sa vie telle qu’elle était. Ordonnée, stable, prévisible. Et rien, pas même les drames familiaux ou les quêtes existentielles de son mari, ne viendraient troubler cet équilibre qu’elle chérissait tant.
Kilian
Semaine 1
Kilian, de son côté, avait toujours eu une relation compliquée avec Louise. Entre eux, les tensions avaient toujours existé, mais elles s’étaient aggravées lorsqu’il avait osé fréquenter – et pire encore, épouser – Rosine, dont la mère, Rose, avait participé à Sim Story, une télé-réalité que Louise méprisait profondément. Pour elle, cette union était une aberration. Elle refusait d’accepter que son fils puisse aimer une femme issue de ce monde qu’elle jugeait superficiel et indigne d’intérêt.
Mais Louise était aveuglée par ses préjugés et n’avait jamais vu l’essentiel : Kilian et Rosine s’aimaient d’un amour sincère et profond, un amour qui n’avait fait que se renforcer avec la naissance de leurs enfants. Plutôt que de se réjouir, Louise avait rejeté en bloc cette famille, nourrissant une rancœur tenace envers Rosine et affichant un mépris à peine voilé pour sa belle-mère, Rose.
Face à cette situation, Kilian avait fini par prendre ses distances. Pendant longtemps, il avait cru que couper les ponts était la seule solution, la meilleure façon de protéger sa famille des jugements de Louise. Et pourtant… au fond de lui, une part de lui hésitait encore.
Aujourd’hui, Kilian mène une existence paisible aux côtés de Rosine et de leurs enfants. Rosine, décoratrice d’intérieur talentueuse, voit sa carrière s’envoler, tandis que Kilian s’épanouit pleinement en tant que professeur. Leurs enfants grandissent entourés d’amour et de bienveillance, loin des tensions familiales qui, autrefois, pesaient sur eux. Camélia, leur fille studieuse, à peine rentrée de l'école, se met immédiatement à faire ses devoirs sans qu'on ait besoin de lui rappeler, tandis qu’Ayden, son petit frère plein d’énergie, la suit partout avec enthousiasme. Camélia invente toujours de nouvelles histoires pour amuser Ayden, et leur complicité illumine la maison.
Kilian sait qu’il a fait le bon choix en construisant son propre bonheur, à sa façon. Mais parfois, une pensée persistante s’immisce dans son esprit. Sa mère a-t-elle changé ? Regrette-t-elle leur éloignement autant que lui ? Par fierté, il n’ose pas faire le premier pas, et il doute que Louise le fasse. Mais si elle venait à frapper à sa porte un jour… serait-il prêt à lui ouvrir ?
Semaine 2
semaine 1
Son départ avait été un choc, surtout pour son frère jumeau, Kilian, qui avait été le plus affecté par cette séparation. Mais avec le recul, Romain comprenait que cette période n’avait été qu’une crise passagère, une rébellion comme tant d’autres, amplifiée par les tourments de l’adolescence. Le temps et la distance lui avaient apporté une nouvelle perspective. S’il n’avait pas toujours été d’accord avec sa mère, il voyait désormais les choses avec plus de maturité.
C’est à cette époque qu’il rencontra Laure. Avec elle, il avait trouvé un équilibre, un amour sincère qui l’aidait à avancer sans ressasser le passé. Ensemble, ils poursuivirent leurs études, trouvèrent leur voie et décidèrent de poser leurs valises à Brindleton Bay. La ville côtière leur offrait tout ce dont ils avaient besoin : du calme, un cadre chaleureux et surtout, l’espace nécessaire pour bâtir leur propre famille.
Au fil des années, leur foyer grandit, tout comme leur maison qu’ils agrandirent au gré des naissances. Leur aînée, Alix, était désormais aux portes de l’adolescence, tandis que Lou, encore enfant, et Neige, qui venait tout juste de quitter l'âge des tout-petits, apportaient une douce animation au sein du foyer. Romain et Laure avaient construit un équilibre solide, une vie où le dialogue et la bienveillance remplaçaient les conflits de son passé.
Contrairement à ce qu’il pensait en quittant la maison, Romain n’éprouvait plus de rancœur envers Louise. Il savait désormais que leurs disputes d’autrefois n’étaient que les frictions naturelles entre une mère et son fils en pleine quête d’indépendance. Aujourd’hui, il n’avait plus besoin de fuir quoi que ce soit. Il avait sa propre famille, ses propres valeurs, et même s’il n’était pas particulièrement proche de Louise, il ne ressentait plus d’animosité. Après tout, le passé appartenait au passé, et lui, il avait choisi d’aller de l’avant.
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