Les Échos du sang






Mon fils est parti vivre sa vie, il y a quelques années déjà et je suis fière de lui. Ma fille, elle a vite grandi et elle va maintenant prendre le bâton pour vivre sa vie et Clément et moi allons finir nos jours tranquilles dans notre bout de terrain. Merci à la vie de m'avoir donné une vie magnifique et 2 enfants extraordinaires ...





















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coquille de DanielleBuilds |





Hugo
Je m’appelle Hugo, et je suis ce qu’on
appelle un “héritier”. Après plusieurs générations portées par des femmes au
caractère bien trempé, me voilà – moi, un garçon – marqué par le destin pour
reprendre le flambeau. Ma sœur jumelle Juliette est née quelques minutes avant
moi, mais c’est moi que le défi a désigné. Un rôle que j’ai accepté… à ma
façon.
J’ai grandi dans un foyer aimant, atypique
et profondément humain. Ma mère Béryl communiquait avec les esprits. Elle
vivait avec un pied dans le monde des vivants, l’autre dans celui des morts. Et
pourtant, elle était la plus vivante de toutes. Katy, sa compagne, était son
ancrage, son refuge. Ensemble, elles m’ont élevé avec tendresse, dans une
maison pleine d’amour, de rires, de présences invisibles… et de gâteaux faits
maison.
Ma vie a basculé quand j’ai rencontré
Hana. Une policière brillante, franche, redoutable, qui a su voir en moi plus
que le clown de service. Moi, l’humoriste idéaliste, elle, la femme d’action,
on formait un duo improbable… mais solide. Ensemble, on a bâti notre vie :
d’abord un petit nid, puis des projets, des nuits blanches, et très vite…
Sohane, notre premier bébé.
Notre famille s’est agrandie vite :
Salomé, ensuite Sacha, puis Sélène. Quatre filles. De l’amour, des disputes,
des cris, de la fatigue, beaucoup de fatigue. Mais on tenait. Et puis est
arrivée Safia, imprévue mais chérie. Et alors qu’on pensait la boucle bouclée,
voilà que le destin nous a fait un clin d'œil : Sevan, mon fils. L’héritier. Un
garçon après cinq filles. Je ne sais pas encore ce que le futur lui réserve,
mais je sens que la boucle se referme doucement.
Mais la vie, ce n’est pas que les
naissances.
Katy nous a quittés la première. Morte de
vieillesse. Paisiblement. Elle s’est endormie une nuit dans son fauteuil
préféré, entourée des chiens et de Béryl. Ce jour-là, j’ai vu ma mère
s’éteindre un peu aussi. Elles avaient tout vécu ensemble. C’était la fin d’un
amour, d’un chapitre. Béryl a vieilli d’un coup.
Puis Juliette, ma jumelle, est morte. Une
stupide plante vache. Un accident bête. Une curiosité mal placée. Une erreur de
minutage. Elle a voulu nourrir la créature… et elle n’a pas survécu. Son
absence m’a creusé un vide que je n’arrive toujours pas à combler. On avait
grandi côte à côte, on se comprenait sans parler. Sa mort m’a plongé dans un
gouffre que ni Hana, ni mes enfants, n’ont pu combler.
À cette époque, ma santé mentale a
flanché. Hana aussi a sombré. Le burn-out, les insomnies, les larmes qu’on
cache aux enfants. On a connu la fatigue qui ronge, la culpabilité, le doute.
Parfois on se regardait sans se reconnaître. On a tenu. Pas par miracle, mais
par amour. Et parce qu’on avait six petits humains qui comptaient sur nous.
Heureusement, on a trouvé une maison mieux
adaptée à notre tribu. On s’est relancés. Hana a atteint le sommet de sa
carrière. Moi aussi, à ma manière. J’ai continué à faire rire, même quant à
l’intérieur c’était gris.
Je suis un héritier, oui. Mais je suis
surtout un père, un mari, un fils. Et un homme qui avance, un jour à la fois.
Même dans une lignée marquée par les femmes, il faut bien un fou du roi pour
ramener un peu de lumière.
Les tempêtes intérieures, celles qui ne se
voient pas, nous ont mis à genoux plus d’une fois. Mais avec le temps, de la
patience, et surtout un psychologue formidable, nous avons réussi à panser les
plaies. Le dialogue est revenu, la sérénité aussi. J’ai appris à poser mes
valises mentales et à respirer à nouveau. Hana aussi. Nous avons traversé cette
période ensemble, comme toujours.
Le temps a passé. Salomé a quitté la
maison à son tour, puis Sacha, Sélène, et enfin Safia, la petite tornade
devenue jeune femme. Chacune a suivi son chemin, libre et forte. Et maintenant,
il ne reste plus que nous deux… et Sevan.
Mais même Sevan a grandi. Il a rencontré
Zahara Pancakes au lycée. Une jeune fille vive, intelligente, douce et
audacieuse – tout ce qu’on pouvait espérer pour lui. Ils sont tombés amoureux
et leur lien n’a fait que se renforcer au fil des années. Aujourd’hui, ils
emménagent ensemble à Oasis Springs, dans une jolie petite maison ensoleillée,
loin du tumulte, mais remplie de promesses.
Hana et moi, on les a regardés charger
leur voiture avec un pincement au cœur… mais surtout le cœur plein de fierté.
Nos enfants sont devenus des adultes merveilleux, chacun à leur manière. Nous
avons fait de notre mieux. Et à voir ce qu’ils sont devenus, je crois qu’on ne
s’en est pas trop mal sortis.
Nous avons décidé de vendre la grande
maison. Elle est devenue trop vide, trop calme. Nous allons nous installer dans
un petit cocon, juste pour nous deux. Hana prendra bientôt sa retraite, moi
aussi. Fini les horaires de fous, les nuits blanches, les repas à huit. Ce sera
le retour aux balades, aux petits-déjeuners sans enfants qui crient, aux
soirées sans obligations. Comme au tout début.
Nous allons profiter de cette nouvelle
vie, comme deux vieux amoureux qui ont traversé toutes les saisons. L’hiver de
notre vie ne fait que commencer, mais il sera doux.
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